Les standards ouverts pour lutter à armes égales

Le député UMP Bernard Carayon a remis jeudi 14 septembre 2006 un rapport au Premier ministre. Intitulé « À armes égales », il porte sur les moyens de renforcer la compétitivité de la France dans le monde, de lui donner de vrais moyens d'anticipation, de lui permettre de se placer à armes égales avec ses partenaires et compétiteurs. Le rapport propose un certain nombre d'action pour favoriser les libertés («et notamment la liberté d'entreprendre, dans un environnement favorable à une concurrence libre et non faussée») dont «Introduire, par voie réglementaire, l'usage obligatoire de ce format par l'administration française pour la création et la diffusion de tout document administratif. ». Le député appelle également à l'organisation par le Conseil Economique et Social d'« Assises du numérique » qui pourraient se dérouler sur un trimestre. Pour ce rapport le député UMP a procédé à de nombreuses auditions. Christophe Espern et moi même avons ainsi pu faire valoir notre point de vue notamment sur ce qui concerne le logiciel libre, l'interopérabilité et les standards ouverts. C'est toujours agréable de voir des députés prendre en compte dans un rapport officiel des propositions que l'on pousse depuis des années.

Quelques extraits :

« Des principes d'actions favorisant les libertés

L'interopérabilité et les standards ouverts, condition du développement économique européen en matière de technologies de l'information

Pour corriger les effets pervers de l'internationalisation des échanges, le développement de la mondialisation qui mettaient en péril les cultures minoritaires, l'Organisation des Nations Unies pour l'Education, la Science et la Culture (Unesco) adoptait en décembre 2005 une convention sur la «protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles».

Pour contrer le risque d'appauvrissement qui existe en matière de technologies de l'information en raison des pratiques de quelques grands acteurs mondiaux, il importe d'abord de proposer à nos partenaires européens d'adopter le principe d'interopérabilité en matière de développement informatique comme garantie du développement - voire, dans certains secteurs, de la survie - de l'industrie européenne des technologies de l'information. Ainsi, l'adoption, en mai 2006, par l'ISO du standard ouvert de document bureautique, «Open Document Format», (odf) en garantit sa pérennité, autorise son utilisation sans risque par les acteurs économiques et publics et favorise le développement de logiciels concurrents reprenant ce format, qui devient ainsi pour l'utilisateur source d'une liberté de choix et d'une meilleure qualité de produit.

Proposition 3.7 Compléter le mémorandum pour une «Europe numérique», en proposant à nos partenaires européens d'établir l'interopérabilité comme règle de droit commun fondamental en matière de développement informatique.

Proposition 3.8. Proposer à nos partenaires européens de favoriser systématiquement les standards ouverts et, comme premier exemple, d'imposer le format international ISO «odf» pour la création et la diffusion de tout document officiel échangé dans le cadre européen.

Le logiciel libre, une efficacité adaptée à l'économie numérique

...

Proposition 3.9 Introduire, par voie réglementaire, l'usage obligatoire de ce format par l'administration française pour la création et la diffusion de tout document administratif. »

Le mémorandum pour une « Europe numérique » est disponible sur le site du ministère de l'économie et des finances.

Un passage sur le possible futur poste de travail en logiciel libre :

« 2007: le libre choix pour le poste de travail du député

Fin 2005, l'Assemblée nationale disposait de 1780 postes informatiques, équipés chacun de logiciels de bureautique, de messagerie et d'anti-virus d'une valeur de 718 (soit environ 1 300 000 pour le total du parc installé. La vente liée pratiquée pour le système d'exploitation ne permet pas d'en évaluer le coût réel). Le coût moyen par poste de la maintenance est de 400 par an (soit environ 700 000 par an). Sur les 101 serveurs déployés, 80 fonctionnent encore sous licence Windows, 10 sous Unix, 3 sous Novell et 8 seulement sous le système «libre» Linux. Pour son poste de travail, jusqu'à ce jour, le député n'avait pas le choix du système d'exploitation et des applicatifs mis à sa disposition. Bernard Carayon a proposé au Président de l'Assemblée nationale, qui en a approuvé le principe, que pour la prochaine mandature, les députés élus puissent choisir entre un poste de travail «propriétaire» et un poste de travail «libre». Un groupe de travail devrait être constitué à l'automne 2006, composé de représentants de chaque groupe politique, afin de déterminer le profil du futur poste de travail constitué à partir de logiciels libres. A qualité et sécurité équivalentes1 ou supérieures, ce nouveau poste de travail du député devrait présenter plus de fonctionnalités que l'actuel, notamment afin de favoriser les échanges avec les électeurs et l'équipement des circonscriptions. Plus largement, cette orientation en faveur du déploiement de solutions libres correspond aux réflexions engagées par l'administration de l'Assemblée nationale sur l'évolution de son équipement. »



De nouvelles propositions :

Proposition 3.11 « Proposer à nos partenaires de l'Union européenne et à la Russie d'étudier la faisabilité d'une "agence européenne des technologies de l'information". Créer un «pôle de compétitivité» dédié aux logiciels libres, notamment sur les aspects liés à la sécurité. »

Proposition 3.12 « Charger le ministère de l'Industrie de mettre en place un tableau de bord de l'évolution de l'utilisation des logiciels libres «open source» dans l'ensemble de l'administration publique. »

Proposition 3.13 « Charger le ministère de l'Industrie, avec l'aide de la DGME, de recueillir et diffuser les bonnes pratiques administratives en ce domaine, notamment celles développées par les collectivités territoriales. L'expérience européenne devra également être prise en compte »

Bernard Carayon ne pouvait décemment pas passer sous silence la loi DADVSI :

« Les débats récents autour du projet de loi «Droit d'auteur et droits voisins dans la société de l'information» ont montré combien nous n'avions pas, collectivement, mesuré les conséquences, dans tous ses aspects, du développement de ces technologies. Nos modes publics d'appréhension de ces sujets sont inadaptés, comme nos modes de concertation. L'enjeu d'une bonne compréhension de l'impact des technologies de l'information ne concerne pas seulement l'économie nationale ou la vie quotidienne de nos compatriotes, il concerne également notre démocratie. Ainsi, le vote électronique choisi récemment pour l'élection des sénateurs représentant les Français de l'étranger montre les limites, voire les dangers, de l'utilisation inappropriée de ces technologies60. La tenue d'«Assises du numérique», ouvertes largement et décentralisées, permettrait aux acteurs politiques et administratifs, économiques et sociaux de prendre la mesure des bouleversements en cours ou attendus, et d'apporter leur propre expertise à la collectivité nationale 61. Ces assises pourraient se dérouler au cours d'un trimestre, pour permettre une vraie concertation et expression des publics concernés.

61 Mon collègue Richard Cazenave et moi-même avons écrit au Premier ministre en mars dernier pour lui faire cette proposition.

Proposition 3.14 Confier au Conseil Economique et Social le soin d'organiser dès l'automne 2006 des «Assises du numérique».

Ainsi donc des « Assises du numérique » devraient être organisées prochainement. Comme quoi même si la loi DADVSI a été votée les politiques ont bien conscience que cette loi crée surtout des problèmes (insécurité juridique...) et qu'il faudra bien revenir dessus rapidement. Bien sûr il eut été encore mieux de ne pas la voter du tout.

Etrangement (ou pas) la loi DADVSI n'occupe donc que quelques lignes dans le rapport, alors même que l'interopérabilité, le logiciel libre, les standards ouverts ont été au coeur de bien des débats. Il aurait été sans doute utile que le député Bernard Carayon nous éclaire sur les conditions d'élaboration d'une telle loi, emblématique de bien des pratiques, l'influence se transformant en chantage et les enjeux financiers considérables semblant justifier pour certains des méthodes anti-républicaines que la morale réprouve. Ce rapport aurait pu être l'occasion pour le député UMP d'd'éclairer l'opinion publique sur les conditions de ce débat comme promis en février 2006 sur France 2.

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